Compte rendu par Hélène Kudzia de la table ronde organisée vendredi 28 septembre 2018 à la BnF en collaboration avec l’association Les Papillons Blancs de Paris.
Introduction par Sylviane Tarsot-Gillery, directrice générale de la BnF : Quand on parle d’accessibilité, on pense surtout à l’accessibilité physique et sensorielle. A la BnF il manquait un travail sur l’accessibilité pour les publics avec déficience mentale.
Cette nouvelle proposition de visite est le fruit d’une collaboration avec l’association Les papillons blancs de Paris. La convention a été signée en 2016. Sa réalisation est aujourd’hui visible avec le livret d’accompagnement de la visite rédigé en FALC qui sert pour ces publics mais aussi pour tous.
La table-ronde a été animée par Vincent Lochmann de la radio Vivre-FM, média spécialisé dans les sujets en lien avec le handicap.
La table-ronde s’est ouverte par le témoignage de 2 travailleurs de l’ESAT Montgallet (Paris 12e), géré par l’association Les Papillons blancs de Paris. Ils se sont définis l’une comme handicapée mental, l’autre comme ayant des problèmes avec la lecture. Interrogés sur leur rapport avec la lecture et les bibliothèques, la première a expliqué qu’elle lit les livres de la collection Chair de poule ; le 2e, passionné d’oiseaux, aime les livres de photographies qui les représentent. Ils ne vont jamais en bibliothèque.
Puis Sophie Simonpoli, secrétaire générale de l’association Les papillons blancs de Paris, a présenté brièvement sa structure. Cette association de parents d’enfants avec handicap mental existe depuis 70 ans. Son but est principalement de faire de l’action familiale. Elle organise des activités de loisirs et veut favoriser la citoyenneté et l’autonomie des personnes en situation de handicap mental.
Carole Roux-Derozier, chargée de mission pour l’accueil des publics en situation de handicap à la BnF a rappelé que la BnF accueillait déjà des groupes de personnes avec handicap mental, mais qu’il n’y avait pas d’accueil dédié, ni de support d’aide à la visite.
La première initiative en la matière semble revenir au musée d’Orsay avec son livret « Orsay facile ». Carole Roux-Derozier rappelle que le haut de jardin est accessible à tous avec des documents assez variés pour que tous les publics puissent y trouver leur compte : documents audiovisuels, livres de photographies, jeux vidéos… et une offre d’animations.
Afin que le public appréhende mieux le lieu, il est important de commencer par une visite de la bibliothèque.
2 livrets ont été réalisés:
– Renseignements pratiques sur la bibliothèque François-Mitterrand : comment venir, comment réserver une visite ;
– Visitons la bibliothèque François-Mitterrand : à utiliser avant, pendant, après la visite. 1 page = 1 point de la visite ; il mêle texte et image. Un plan du rez-de-chaussée à la fin du livret permet de repérer les différents lieux.
Les livrets sont disponibles à l’accueil, auprès des médiateurs, en ligne au format pdf ou html : ils peuvent donc être écoutés avec des aides techniques.
Les médiatrices faisaient déjà des visites pour les publics handicapés mentaux, en groupe, mais rarement.
Au début du projet les médiateurs ont voulu adapter la visite « jeu de piste » initialement destinée aux familles, mais c’était une erreur. Les médiateurs ont vite compris qu’il fallait créer un contenu propre parce que
– ce ne sont pas des enfants,
– le concept de jeu ne faisait pas sens.
La BnF et Les Papillons blancs de Paris ont signé en décembre 2016 une convention prévue pour un an, mais l’action s’est déroulée sur un an et demi, car l’idée de l’adaptation du jeu de piste n’a pas marché.
L’idée de co-construire la visite était présente depuis le début. « On ne fait pas pour les publics handicapés, mais avec, même si ça prend plus de temps », explique Sophie Simonpoli.
Le projet de réalisation du livret a été assuré par une service civique des Papillons blancs, Marion Fouque. Celle-ci, titulaire d’un master conseiller en accessibilité (INSHEA Suresnes) a consacré son mémoire à ce travail.
Marion Fouque a présenté les étapes du projet :
– diagnostic
– prise de contact avec les différents interlocuteurs : ESAT, Carole Roux-derozier (mission handicap BnF), une médiatrice de la BnF
– visites test avec des travailleurs de l’ESAT Montgallet,
– 1 visite par semaine dans l’ESAT pour créer le livret
Le livret a été co-construit avec un premier groupe, de l’ESAT Montgallet. Puis on a proposé le livret à une autre structure, un foyer de Boulogne : ces relecteurs ont permis de s’assurer que le livret était bien compréhensible.
La visite co-construite intègre :
– des éléments historiques, par exemple les globes de Coronelli ;
– des éléments architecturaux, en visitant, notamment le belvédère, et en s’appuyant sur une maquette, en découvrant le système de circulation des livres ;
– des éléments sur les missions de la bibliothèque.
On pensait supprimer des éléments que les publics handicapés mentaux ont voulu garder. Il fallait donc plutôt raccourcir le temps passé mais ne pas supprimer.
Dans le cadre de la convention les Papillons blancs ont assuré au printemps 2017 une matinée formation-sensibilisation pour le personnel BnF avec le témoignage de personnes handicapées mentales.
Cette offre de formation a été pérennisée dans le catalogue de formation de la BnF et augmentée d’actions de formation sur le handicap psychique.
Quelques enseignements tirés de la réalisation du livret :
– oublier les concepts de communication habituels ;
– faire le livret en interne permet des aller-retour avec le public test, ce qui n’aurait pas été possible si on avait recouru à un prestataire extérieur. On a ainsi eu le choix
* du format : initialement A5, mais finalement A4 car certains handicapés mentaux ont des problèmes de motricité fine,
* le papier un peu plus épais,
– le choix du vocabulaire : affiné et parfois rectifié par le public test. Par exemple le titre du livre est ici « Bibliothèque François-Mitterrand » et pas « site » car pour les testeurs « site » = site internet.
Le temps
– Les visites classiques du bâtiment durent 1h30. Le temps a été réduit à 1h.
– On réduit le temps de parole : on parle de façon plus concise.
– On se rend disponible pour répondre aux questions. On a parfois des questions insolites sur des détails.
– On est vigilant à la fatigue du groupe.
– On réduit le nombre de points pour garder les plus pertinents, ceux qui ont le plus intéressé les personnes handicapées mentales.
– On ménage des temps de pause dans la visite. On commence assis.
L’idée de pause pourrait être transposée à d’autres publics, par exemple seniors.
On peut donc en tirer des enseignements sur la médiation pour tous les publics.
Cette expérience est reconductible.
La méthodologie est réutilisable. Il faut se donner du temps.
Beaucoup de personnes aux Papillons blancs sont formés au Facile A Lire et à Comprendre : cette formation est incontournable.
Sophie Simonpoli affirme : « On ne prive pas quelqu’un qui n’utilise plus ses jambes d’un fauteuil roulant ; de même on ne prive pas les personnes handicapées mentales du temps et de l’accompagnement.
La même démarche a été initiée par les Papillons blancs avec le Musée de la Vie Romantique à Paris. La partie réalisée concerne l’arrivée jusqu’au musée, mais le travail a été interrompu en raison de travaux dans le musée.
Échanges avec la salle :
Le public est revenu sur la nécessité de multiplier les actions autour du FALC pour mieux accueillir les personnes en situation de handicap mentaux dans différents lieux, notamment culturels.
Géraldine Delaforge, d’Universcience, a annoncé la mise en place de formations sur le FALC sur les 3 ans avenir, et pas seulement pour la cellule accessibilité. L’accueil de ces publics va être développé.
Plusieurs participants reviennent sur les difficultés d’accès au site, notamment pour les personnes en fauteuil roulant.
Des sourds présents ont souligné l’intérêt de la démarche présentée et sa grande utilité pour les sourds ; ils indiquent que face à l’écrit ils sont parfois aussi démunis que les personnes handicapées mentales et que les documents en FALC leur sont très utiles.
Pour clore la matinée, des médiatrices de la BnF ont accompagné des groupes à la découverte du site. Parmi les visiteurs des personnes handicapées mentales venaient pour la première fois à la bibliothèque François-Mitterrand.
Liens utiles :
– livrets en FALC sur le site de la BnF
– présentation de la table-ronde sur le site de la BnF
Une captation de la table ronde sera prochainement disponible.